Destinés à accueillir les fidèles, la façade est le lieu d’élection de décor sculpté et de programmes iconographiques complexes.
Il s’agit d’encadrer dignement l’entrée de l’église. Au XIe siècle, c’est une simple porte qui va progressivement se transformer en un portail à plusieurs rangs de voussures et larges ébrasements. Cette évolution est possible à partir des années 1120 grâce à une innovation technique : le trumeau. Cet élément sert en effet de support médian (en plus du linteau) permettant d’augmenter le diamètre des tympans. Un champ d’une ampleur sans précédent s’offre à la sculpture.
Les thèmes récurrents sur les portails sont le Jugement dernier, la rédemption comme l’Apocalypse. Ces thèmes comportent tous de nombreux personnages, disposés de manière à occuper complètement la surface disponible.
Au portail méridional de l’abbatiale Saint-pierre-de-Moissac, le tympan illustre la seconde vision de saint Jean dans l’Apocalypse. Seuls quelques éléments de cette vision ont été retenus. Dans la partie centrale, le Christ en majesté trône, tenant le livre sur son genou gauche et bénissant de la main droite. Il est entouré par deux anges et par le tétramorphe – symbole des quatre évangélistes : l’aigle représente saint Jean ; le lion, saint Marc ; le taureau, saint Luc et l’homme fait référence à saint Matthieu –. Les 24 vieillards symboles des 24 livres de l’Ancien Testament sont répartis sur les trois registres qui enveloppent le groupe central.
La composition est animée par le mouvement des personnages. Seul le Christ est immobile. Il domine par sa taille toutes les autres figures. Il constitue un centre fixe. Tous les visages convergent vers lui, ce qui rend tangible l’intense rayonnement qui émane de sa personne.
Le trumeau joue un rôle iconographique important. Ici, c’est un bloc monolithique de marbre richement sculpté : sur la face externe, trois couples de lions se superposent ; sur les faces latérales figurent saint Paul et le prophète Jérémie. Leurs têtes inclinées vers l’intérieur du monument semblent inviter les fidèles à y pénétrer. Il en est de même pour saint Pierre et Isaïe sculptés sur les piédroits. Prophètes et apôtres sont non seulement les piliers spirituels de l’ancienne et de la nouvelle Loi mais également les piliers matériels du portail.
Comme les autres grands tympans de sa génération, Moissac résulte de l’assemblage de multiples blocs de format variable.
Il faut noter que le linteau est un bloc de remploi en marbre datant de l’Antiquité tardive. Il est décoré de grandes rosaces végétales inspiré de modèles antiques.
Autun
Le portail occidental de Saint-Lazare d’Autun est l’œuvre d’un artiste exceptionnel qui a d’ailleurs gravé son nom au bas du tympan « Gislebertus hoc fecit ». Gislebertus a représenté un Jugement dernier en l’adaptant au type (traditionnel en Bourgogne) du tympan occupé sur toute sa hauteur par un grand Christ entouré d’une mandorle portée par des anges et du linteau traité comme une frise avec de multiples personnages.
Les scènes sur le linteau se rapportent au monde terrestre – la Résurrection des morts – et celles du tympan appartiennent au domaine de l’au-delà. Le Christ, impassible, vêtu d’un manteau d’apparat, les mains étendues, semble étranger au cours des événements. Les scènes qui l’encadrent sont réparties sur deux registres.
Au niveau supérieur, à gauche du Christ siège la Vierge. A sa droite, deux personnages masculins que nous ne pouvons identifier avec certitude (deux apôtres ou Elie et Enoch, les deux seuls témoins de l’Ancien Testament du Jugement dernier). Le soleil et la lune apparaissent de part et d’autre de la tête du Christ. Quatre anges sonnant de la trompette se tiennent au bord extérieur de chaque registre.
Au niveau inférieur, le Jugement est évoqué avec la pesée des âmes à la gauche du Christ tandis qu’à droite se presse un groupe d’apôtres. Jouxtant ces scènes, des images du Paradis et de l’Enfer sont figurées.
Une importance particulière est accordée à la Résurrection des morts. Dans la plupart des Jugements derniers, les morts soulèvent seulement le couvercle de leur sarcophage, ici, Gislebertus les représente déjà debout et séparés entre élus et damnés. Une continuité est même donnée entre les scènes du linteau et celles du tympan : deux griffes sortent de l’Enfer pour arracher un damné de son sarcophage. Il hurle de terreur tandis que du côté du Paradis de petites figures s’agrippent à des anges qui les hissent vers la Jérusalem céleste.
Ce Jugement dernier est d’une rare intensité dramatique. Il y a peu de place pour l’anecdote. Rares sont les personnages que l’on peut identifier, à l’exception de quelques élus que l’on reconnaît à leurs habits – abbés, pèlerins -. La plupart des autres, anonymes dans leur nudité, expriment une grande variété de sentiments : gratitude, soulagement, stupéfaction, et même incertitude pour ceux qui doutent d’être sauvés et tendent frénétiquement les bras vers le ciel. Même au Paradis, la tension est présente. Le groupe d’apôtres est très agité.
La représentation des damnés donnent également la mesure du talent du sculpteur : corps recroquevillés terrorisés, visages déformés par l’horreur, gestes de supplication et de désespoir particulièrement poignants. On veut susciter une émotion chez le spectateur.
L’échelle des personnages varie afin de ne pas créer une compacité des groupes et une monotonie des alignements.
Vézelay
Vézelay est un des rares exemples de l’époque romane où le programme iconographique s’étend à un ensemble de portails comme on le fera fréquemment à l’époque gothique. Les trois portails abrités dans l’avant nef sont historiés.
Le thème directeur est fourni par le tympan central avec une interprétation peu courante de la Pentecôte. L’Esprit-Saint n’émane pas de la traditionnelle colombe mais des doigts du Christ. Les langues de feu viennent ainsi se poser sur la tête des apôtres. La figure du Christ occupe toute la hauteur du tympan tandis que les apôtres assis se répartissent en groupes animés.
L’accent est mis sur la mission d’évangélisation dont sont investis les apôtres.
Sur le linteau et dans les compartiments d’une fausse voussure entourant la scène centrale figurent les peuples de la terre, peuples mythiques comme les Panotii à grandes oreilles (êtres légendaires cités dans différents textes de l’Antiquité et du Moyen-Âge), ou peuples connus comme les Pygmées, les Arabes, les Juifs,…
Des médaillons illustrant les signes du zodiaque et les travaux des mois décorent l’une des voussures.
Le thème général du tympan de Vézelay est d’une profonde signification théologique : les apôtres envoyés en mission pour évangéliser le monde, auquel les signes du zodiaque et les travaux des mois confèrent une dimension cosmologique.
Les portails latéraux sont également historiés et accueillent des scènes narratives. Côté sud, c’est l’Annonciation, la Visitation et la nativité que l’on reconnaît sur le linteau ; sur le tympan figurent l’Adoration des Mages. Côté nord, on voit la rencontre avec les pèlerins d’Emmaüs sur le linteau et l’apparition aux apôtres sur le tympan. Ainsi, le portail central se trouve encadré des débuts de l’existence terrestre du Christ et d’une évocation des épisodes précédant son Ascension. Trois événements majeurs de la vie du Christ sont donc représentés dès l’entrée de l’église : Naissance, Pentecôte et Ascension.
Objectifs pédagogiques
Pour les collégiens (niveau 5ème), l’étude des portails romans s'inscrit dans la thématique « Arts, mythes et religions ». Ici, la réflexion porte sur l’œuvre d’art et le sacré ou comment la religion prend forme grâce aux sculpteurs romans. Quels sont les thèmes issus des textes religieux représentés par les artistes? Quel est le rôle de cette iconographie en fonction de sa place dans l’édifice religieux (façade)?
Ce que les élèves doivent voir (à partir de leurs observations et de vos questions !)
Moissac : un personnage principal (se démarque par sa taille) est représenté au centre (le Christ). Il est entouré par des animaux, un homme (les évangélistes) et deux personnages ailés (anges). 24 hommes assis sont également présents. Ils semblent s’agiter et sont tous tournés vers le personnage principal.
Autun : un personnage principal (le Christ) est au centre de la composition. De nombreux personnages s’agitent autour de lui participant à différentes scènes. A gauche du Christ, on observe des personnages grimaçants. On peut distinguer une balance (la pesée des âmes). A sa droite, les personnages semblent plus calmes. Des anges soufflent dans des trompettes. Sur le linteau, de nombreux personnages sont présents. On distingue des anges et des hommes nus debout ou accroupis; certains semblent apeurés. Ils vont être présentés au jugement dernier.
Vézelay : un personnage principal est réalisé au centre (le Christ). Des hommes tenant des livres l’entourent. Des « rayons » émanent des mains du Christ vers ces hommes nimbés (apôtres recevant l’Esprit Saint). D’autres hommes sont représentés dans des caissons et sur le linteau (les peuples à évangéliser).
Ce qu’ils doivent retenir en quelques mots-clés
Portail, tympan, linteau (vocabulaire du portail, cf. schéma), art roman, les personnages principaux représentés (Christ, évangélistes, apôtres, anges), mandorle, paradis, enfer, tétramorphe, Jugement dernier, Apocalypse.
Pour prolonger la séance…
On peut effectuer l’étude d’enluminures (Beatus de Saint-Sever) ou peintures murales romanes illustrant les mêmes thèmes que la sculpture des portails, en appuyant sur leurs différences de traitement. On peut également faire un parallèle avec les représentations de la même époque propres aux édifices religieux des deux autres religions monothéistes (mosquée La Koutoubia de Marrakech, synagogue Santa Maria la blanca de Tolède).
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