PICASSO, DETRUIRE POUR MIEUX RECONSTRUIRE

« Pour moi, il n’y a pas de passé ni d’avenir en art. Si une œuvre d’art ne peut vivre toujours dans le présent, il est inutile de s’y attarder. L’art des Grecs, des Egyptiens et des grands peintres qui ont vécu à d’autres époques n’est pas un art du passé ; peut-être est-il plus vivant aujourd’hui qu’il ne l’a jamais été. »

Quelques repères biographiques

La formation artistique de Picasso débute dès sa petite enfance avec l’apprentissage que lui dispense son père José Ruiz-Blasco (professeur de dessin à l’école des arts et métiers et conservateur du musée municipal de Málaga). Très jeune Picasso assiste en effet son père et baigne dans la vie fantomatique des œuvres conservées au musée de Málaga, entre passé et présent, œuvres anciennes et nouvelles en train de se faire.
Il apprend les techniques d’atelier associant dessins et découpages de papiers pour l’étude des compositions dont il fera un usage inédit dans ses papiers découpés (1903), collages (1908) et papiers collés (1912-1914).
A l’âge de 12 ans, Picasso s’engage dans des études d’art : un cursus de huit années à l’école des Beaux-Arts de La Corogne et à celle de La Lonja de Madrid. Picasso se soumet alors aux règles de la pratique académique.
Ainsi, dès son plus jeune âge, la peinture constitue pour Picasso le seul univers de référence. C’est dans cette dialectique avec la tradition académique et avec la peinture des maîtres que se construit sa singulière posture. Picasso fait du dialogue avec les maîtres antiques, anciens et modernes l’axe d’une dynamique productive dont témoigne l’ensemble de sa peinture : la période des variations d’après Delacroix, Vélasquez, Manet, David ou Poussin, dominant les années 50-60, forme l’épisode le plus explicite.

Détruire et reconstruire

Picasso le déclare lui-même, il « aime et détruit ce qu’il aime ». Ce pouvoir destructeur s’applique notamment à la figure humaine, aux objets du quotidien mais également aux œuvres du passé.
Cette « digestion » de l’histoire de l’art et la dialectique entre tradition et avant-garde est ans doute le moteur essentiel de sa démarche créatrice. Le terme de « variation » n’est pas un hasard. A la manière du compositeur de musique, le peintre étudie, reprend des thèmes essentiels, des variantes. Mais le processus de variation peut aussi être perçu comme une conséquence des multiples points de vue inaugurés par le Cubisme.

La peinture de la peinture

La période de 1950 à 1963 est entièrement axée vers la peinture du passé. Pourquoi cette confrontation au passé à ce stade de son évolution artistique ? Il faut sans doute y voir la nécessité de la confrontation à la grande peinture, un défi lancé à l’histoire, la conscience d’un devoir accompli, d’un héritage à assumer et à dépasser pour relancer la peinture sur d’autres voies.

Les séries de variations

Les trois séries d’après Delacroix, Vélasquez et Manet qui se succèdent dans les années 50 permettent à Picasso d’aborder des compositions à plusieurs figures, de traiter des scènes d’intérieur et une scène de plein-air (Le déjeuner sur l’herbe) et surtout de se confronter à des œuvres qu’il admire depuis longtemps, chefs-d’œuvre incontournables de l’histoire de la peinture.
La série d’après Les Ménines est la plus importante en nombre de tableaux. Picasso en partant très fidèlement de la composition d’origine transforme complètement le sujet et l’espace, s’éloigne du modèle et invente de nouveaux styles picturaux.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire