La grotte de Pech-Merle
Moins connue que Lascaux ou Chauvet, la grotte de Pech-Merle n’en demeure pas moins le plus important sanctuaire paléolithique du Quercy (Lot). Les figurations pariétales furent découvertes le 4 septembre 1922 par A. David et H. Dutertre au cours d’une série d’exploration spéléologique dans la cavité. L’abbé Lemozi y participa également. C’est lui qui effectua le premier relevé et la première étude du site. La cavité est ouverte au public depuis 1924. Son accès est aujourd’hui encore possible - le nombre de visiteurs étant strictement régulé afin de ne pas endommager les peintures.
Un refuge pour qui ?
Traces de pas, charbons, os, peintures attestent que Pech-Merle était fréquentée par les hommes. Les traces au sol sont rares, ce qui prouve que la grotte n’était pas habitée en permanence. Les séjours humains étaient répétés mais de courtes durée. Les visiteurs se sont contentés de laissés ça et là quelques feux d’éclairage (charbons) et ont abandonné de rares débris osseux d’herbivores (restes de repas ou «offrandes» ou encore instruments).
Des griffades d’ours et des os de félidés, d’ours des cavernes et de hyénidés montrent quant à eux la présence d’animaux, notamment de grands carnivores qui utilisaient la grotte avant l’homme.
La fréquentation de la grotte par l’homme s’est effectuée sur plusieurs millénaires, durant la civilisation gravettienne.
Que représente le panneau des chevaux ponctués ?
Ce panneau - l’un des plus beaux joyaux du paléolithique - présente les dessins noirs de deux chevaux associés à des points noirs et rouges et à des images de mains noires. Il prend place sur une paroi verticale d’un grand bloc calcaire de 3,60 mètres de longueur et de 1,65 mètres de hauteur. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les points appelés également ponctuations ne figurent pas le pelage des chevaux puisque certains d’entre eux se trouvent à l’extérieur du contour des animaux.
La particularité originale de ce panneau réside dans le fait que le bord du bloc affecte le dessin réalisé. En effet, la forme naturelle d’une tête de cheval se découpe sur l’obscurité du fond de la salle. Le cheval peint à droite vient loger sa tête dans ce bec rocheux. La figuration est parfaitement adaptée à la forme naturelle du support rocheux ; la forme du rocher n’a pas été retouchée. Les hommes ont repéré cet étonnant cheval naturel que leur offrait la grotte.
Le second cheval, tourné à gauche, est adossé au précédent. Les deux chevaux sont réalisés dans des proportions égales. L’artiste a donc eu un souci d’équilibre et d’esthétisme dans sa réalisation confirmant qu’il avait une perception globale de sa création.
Les chevaux peints correspondent aux actuels chevaux de prjewalski, proches des chevaux paléolithiques.
Six mains «négatives» (seuls les contours ont été peints comme à l’aide d’un pochoir) encadrent le dessin.
Un examen minutieux permet de déceler un poisson (en rouge) dans le dos du cheval de droite.
Au total, 263 motifs sont représentés sur 6 m2 de surface rocheuse.
Comment ce panneau fut-il réalisé ?
L’artiste a d’abord réalisé des esquisses linéaires rouges (cheval de droite) avant d’entamer son œuvre.
Puis, il a réalisé le contour des chevaux adossés. Le cheval s’inspirant du bec rocheux fut réalisé en premier.
Ensuite, les mains négatives noires alternées (une gauche, une droite) autour des chevaux furent peintes. Le fait qu’elles contournent les chevaux indiquent qu’elles leur sont postérieures.
Enfin, les ponctuations noires et rouges achevèrent le dessin.
La méthode du crachis ou soufflage direct à la bouche d’un pigment humide est la méthode que l’on trouve principalement à Pech-Merle.
Certaines parties des chevaux ont été obtenues par un lissage au doigt.
Pour le soufflage, les mains servent d’écran. L’artiste les positionne en fonction de la forme qu’il souhaite réaliser.
Cette technique a été identifiée à Pech-Merle grâce aux aborigènes d’Australie. En effet, ces derniers pratiquent le soufflage depuis des millénaires : ils projettent le pigment directement à la bouche en utilisant leurs mains, leurs doigts ou des objets comme le boomerang ou des feuilles d’arbres pour contrôler le jet. Cette technique permet donc de peindre sans toucher le support.
Pour les mains négatives, c’est la main elle-même qui sert de pochoir. Les ponctuations ont elles été exécutées grâce à un écran de peau ou de cuir perforé.
Ce travail de soufflage demande une grande concentration dans la pénombre et beaucoup de souffle.
L’expérience menée par les chercheurs de reproduire ce panneau a permis notamment de déterminer que la réalisation d’une main en négatif demandait plus d’une demi-heure de travail!
Quelle est sa signification ?
Il nous est difficile de donner une signification précise à ces peintures.
Rapportez vous à « pourquoi ces peintures » de notre introduction à l’art pariétal.
En conclusion
L’étude de Pech-Merle montre que les œuvres pariétales s’intègrent globalement dans la durée du Gravettien entre 28000 et 22000 ans environ.
L’élaboration complète du sanctuaire, dont les chevaux ponctués ne sont qu’une partie, a demandé beaucoup de temps. Plusieurs artistes sont intervenus. Un seul a réalisé l’ensemble du panneau des chevaux ponctués.
La fonction rituelle de la grotte fait que les peintures ont été rénovées à reprises successives. Le sanctuaire fut fréquenté jusqu’à ce qu’il ne soit plus accessible (accès obturé par éboulis à la fin des temps glaciaires).
Objectifs pédagogiques
La préhistoire ne figure pas dans les périodes historiques du Bulletin Officiel concernant l'enseignement de l'histoire des arts. Pourtant, l'art préhistorique est par essence la genèse même des arts. Avis aux professeurs téméraires qui s'y risqueront...
Objectifs pour les collégiens (classe de 6ème) "Arts, créations, cultures": découvrir le mode d'expression artistique qu'est l'art pariétal. Découvrir ce mode de représentation, les lieux où il se pratique.
Pour les lycéens, on est encore plus éloigné du B.O. Libre à ceux qui souhaitent exploiter ce document d’en faire ce qu’ils en veulent !
Ce que les élèves doivent voir (à partir de leurs observations et de vos questions !)
Deux chevaux sont représentés sur une paroi rocheuse.
Ils sont peints en noir et positionnés dos à dos.
Des mains ont été réalisées autour des chevaux. Elles sont détourées de noir comme si elles avaient été exécutées au pochoir.
Des points rouges et noirs sont présents autour et à l’intérieur des animaux.
Les mains sont en alternance une main gauche et une main droite.
Ce qu’ils doivent retenir en quelques mots-clés
Gravettien, chevaux, ponctuations, mains négatives, paroi, figurations pariétales, soufflage, pigments, pochoirs, sanctuaire.
Pour prolonger la séance…
Voici quelques exemples de l'art pariétal vu et "corrigé" par des artistes contemporains : Chris Ware extrait de ACME ; Etienne Lécroart, extrait de Et c’est comme ça que je me suis enrhumée et/ou Banksy. Un travail autour des clichés sur l'art préhistorique peut être envisagé avec Lécroart et Ware. Le travail de Banksy nous interroge quant à lui sur une éventuelle filiation entre art pariétal et street art malgré une évidente différence de valorisation.
Merci pour ce document !
RépondreSupprimerBonjour, je prends connaissance de votre blog en cherchant à illustrer l'écoute d'une émission passionnante par de nouveaux points de vue (Invitée Claudine Cohen, sur France Culture, https://www.franceculture.fr/emissions/la-conversation-scientifique/que-savons-nous-des-femmes-de-la-prehistoire) Je ne résiste pas au plaisir de vous en faire part. Merci pour votre article .
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